La Crise n'affecte pas le culte du luxe

Publié le par Yassine K.

Le prestige du luxe demeure intacte. Et ce n'est pas la crise économique qui va bouleversé cela. Les grandes enseignes affichent au contraire une santé remarquable comme le montre la progression des ventes de 23,1 % au dernier trimestre chez PPR et de 15% sur les neuf premiers mois de l’année chez LVMH. Toutefois, cette croissance repose sur la consommation des élites. Cette inégalité devant le luxe reflète les écarts qui ne cessent de s'accroitre entre la consommation des classes aisées et celles des couches moyennes et populaires de la société. Cette traditionnelle inaccessibilité au luxe du salariat s'est donc accrue avec la crise. Paradoxalement, les consommateurs restent fascinés par ces enseignes prestigieuses alors qu'ils n'y peuvent y accéder de moins en moins.

 

Il suffit de faire un tour près des Grands Magasins sur le boulevard Haussmann à Paris pour se rendre compte de ce succès. Devant les vitrines de noël du Printemps, c'est la frénésie. Les passants sont subjugués par la magie des illuminations et des décorations. Quand on y regarde de plus près, ce sont pour les nouvelles créations Chanel que l'on s'émerveille. Véritable vedettes de cette édition 2011, la collection de Karl Lagarfeld attire le regard et attise les surtout envies. En particulier chez Anne et Sarah. "Chanel, ça fait rêver" s'exclame l'une d'elle. Conquise, Sarah garde tout de même la tête sur les épaules. "Les robes sont magnifiques mais malheureusement hors de prix. On touche avec les yeux". Anne renchérit, "même avec 90% de réduction, je n'aurais pas les moyens. Cela reste encore inaccessible pour des gens comme nous issue des classes moyennes".

La réalité économique contraint effectivement la majorité des salariés à se représenter le luxe comme un idéal impossible à atteindre."N'empêche qu'on ira quand même jeté un coup d'œil au cas ou..." ajoute Sarah le regard malicieux. Le pouvoir d'attraction des grandes marques n'en demeurent pas moins total. Zola peut demeurer en paix. Les "Cathédrales du commerce" ont toujours le vent en poupe, et ce pour "le Bonheur des dames".

 

En effet, le retour au nécessaire ne s'est pas imposé comme une alternative puissante au luxe. On aurait pu penser que les consommateurs, qui ont vu leurs pouvoir d'achat chuter avec la crise, feraient une "cure d'austérité" des grandes marques. Que nenni! Bien au contraire, le luxe continue d'exercer une véritable fascination auprès des consommateurs. En réalité, ceux-ci cherchent des substituts face à ces produits inaccessible financièrement. De multiples stratégies se sont développés pour "démocratiser le luxe" à l'image de la contrefaçon.

 

Ceintures D&G à la main et autres sacoches Louis Vuitton sur l'épaule, Sajid ne laisse pas les passants indifférents. Pakistanais de 27 ans, Sajid est l'un des multiples vendeurs à la sauvette qui fourmillent près du marché de Clignancourt. Devant son tapis, de nombreuses personnes s'arrêtent attirées par les célèbres logos des plus grandes enseignes. Sajid se frotte les mains, il vient de vendre une sacoche à deux touristes. "Ils savent que c'est de la contrefaçon mais ils ont l'impression d'acheter du vrai luxe" déclare t-il. Les affaires ont plutôt l'air de marcher.

Kevin et Mehdi, deux adolescents originaire des Yvelines, sont venus spécialement jusqu'ici pour acheter une ceinture. Quand on leur demande pour quelles raisons ils ont effectué un si long trajet, la réponse leur semble évidente."T'as vu le prix des vraies ceintures Gucci?!" s'exclame Mehdi. "C'est la moitié d'un salaire! Pour 10€ tu peux avoir la même, alors pourquoi s'en priver?". Mais pourquoi ne pas acheter tout simplement dans ce cas là une ceinture normale si le luxe est inabordable financièrement? Il existe en effet des modèles de qualité dans le commerce à ce prix là. "Ah mais Gucci, Louis Vuitton, Armani, c'est la classe! Il n'y a pas photos entre le standard et le luxe." rétorque Mehdi. Kevin est d'accord avec son camarade. "J'aime bien être bien sapé, ça attire le regard. Et puis quand on vient d'un milieu modeste, c'est un peu comme un moyen de se sentir riche d'avoir des fringues de marques même si elles sont fausses."

 

Ce n'est donc pas l'objet en soi qui est recherché mais bien l'impression de pouvoir accéder au luxe. Acquérir une fausse ceinture parait ici anecdotique. En réalité, cet exemple révèle l'incroyable fascination qu'exerce les grandes maisons du luxe sur les consommateurs frappés par la crise. La contrefaçon apparait comme le moyen de s'affranchir du coût prohibitif des produits "Made in Gucci" et de se rapprocher du modèle de consommation façonné par les élites. En quelque sorte de rendre ce monde plus accessible. La contrefaçon permet donc à ceux qui n'en ont pas les moyens de satisfaire ce culte du luxe finalement inaltéré par la crise. Bien au contraire.

Publié dans Société

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